Se
positionner face à une demande émanant des forces de l’ordre reste un exercice
inconfortable. La question du secret professionnel constitue un élément
irritant car elle pose une limite concrète au pouvoir des services de police ou
de gendarmerie.
Une
note de la Direction Générale du CASVP en date du 20/09/2013 (en pièce jointe) adressée
aux responsables d’établissements, apporte quelques éléments d’information aux différents
agents du CASVP susceptibles d’être confrontés à ce type de situation.
Pour
sa part, FO CASVP tient à rappeler les principes et le positionnement des
assistants de service social face à une demande de renseignements émanant de la
police ou de la gendarmerie.
Ce qui a changé avec la loi Perben II
Avant cette loi, l’accès au dossier administratif par les services de
police et gendarmerie était possible seulement dans le cadre d’une commission
rogatoire.
Dans
le cas d’une enquête préliminaire, le secret professionnel était opposable à la
demande des services de police ou gendarmerie. Le dossier de l’usager ne
pouvait donc pas être transmis sans qu’une commission rogatoire soit produite.
La loi Perben II a créée une
nouvelle procédure précisée par l’article 60-1 du Code de procédure
pénale :
« L’officier de police
judiciaire peut requérir de toute personne, de tout établissement ou
organisme privé ou public ou de toute administration publique qui sont
susceptibles de détenir des documents intéressant l’enquête, y compris ceux
issus d’un système informatique ou d’un traitement de données nominatives, de
lui remettre ces documents, sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime,
l’obligation au secret professionnel. Lorsque les réquisitions concernent des
personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-3, la remise des documents ne peut
intervenir qu’avec leur accord. À l’exception des personnes mentionnées aux
articles 56-1 à 56-3, le fait de s’abstenir de répondre dans les meilleurs
délais à cette réquisition est puni d’une amende de 3 750 Euros ».
L’article 77-1-1 du Code de
Procédure Pénale précise :
« Le Procureur de la
République ou, sur autorisation de celui-ci, l’officier de police
judiciaire, peut requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme
privé ou public ou de toute administration publique qui sont susceptibles de
détenir des documents intéressant l’enquête, y compris ceux issus d’un système
informatique ou d’un traitement de données nominatives, de lui remettre ces
documents, sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l’obligation
au secret professionnel. Lorsque les réquisitions concernent des personnes
mentionnées aux articles 56-1 à 56-3, la remise des documents ne peut
intervenir qu’avec leur accord. En cas d’absence de réponse de la personne aux
réquisitions, les dispositions du second alinéa de l’article 60-1 sont
applicables ».
Si un Officier de
police judiciaire disposant d’une autorisation du Procureur de la République demande à
accéder aux éléments contenus dans un dossier social (dossier papier ou
informatique) et même si l’investigation en cours est une enquête préliminaire,
il ne peut pas lui être opposé le seul secret professionnel. Cela
s’apparenterait à une abstention de réponse laquelle est condamnable selon cet
article.
De plus, la pression est aussi mise
sur les personnes morales, autrement dit les institutions dans lesquelles nous
travaillons, avec des sanctions prévues en cas de non-respect par le
professionnel.
Le professionnel tenu au secret ne peut en aucun cas
témoigner même si l’officier de police judiciaire le demande.
Les travailleurs sociaux doivent ils répondre mécaniquement à toute
demande d’un service de police ou gendarmerie autorisée par le Procureur ?
Non
pour au moins
2 raisons : le législateur a prévu une possibilité de non-transmission
d’informations contenues dans un dossier et la procédure ne peut être faite
n’importe comment par les forces de l’ordre.
I)
Le secret professionnel reste opposable en cas de « motif légitime »
Exemples :
- Les forces de l’ordre réclament le dossier d’une personne X dans le cadre d’une instruction. Cependant les services sociaux ne disposent pas de dossier à son nom mais à celui de sa concubine Y, qui elle, était suivie par le service. Il y a un motif légitime de refus de l’ensemble du dossier.
- Même cas de figure dans un dossier couple. Les éléments concernant la concubine n’ont pas être transmis, ces éléments pouvant être secrets pour le concubin.
- On pourrait aussi invoquer un « motif légitime » si les documents en possession des services sociaux n’ont pas de lien avec l’enquête faisant référence au passage des articles 60-2 et 99-3 du Code de Procédure Pénale : « susceptible de détenir des documents intéressant l’enquête ». On opposera alors le secret professionnel.
II)
La procédure nécessite le respect d’étapes essentielles
a)
Celles se situant avant la demande des documents.
Recommandations de l’Association Nationale des Assistants de Service
Social (ANAS)
- Garder toujours à l’esprit que tout ce qui est inclus dans un dossier est communicable à la Justice (ou à l’intéressé) et qu’en cas de saisie spontanée dans les locaux, nous n’aurons peut-être pas le temps de retirer certains documents…
- Une certaine rigueur dans la rédaction de tous les documents à communiquer prend là toute son importance.
- Si les travailleurs sociaux insèrent des notes personnelles dans les dossiers, il est important que l’on puisse distinguer rapidement les données objectives, les évaluations et les notes personnelles du travailleur social.
- Sélectionnez rigoureusement des données à conserver et celles ayant une unité momentanée.
a)
Les étapes
lorsqu’il y a demande de transmission de documents
1. L’assistant de service social
ne donne pas un dossier, on vient le lui prendre, ce qui est tout à fait
différent.
2. Vérifier que le demandeur est
bien un Officier de police Judiciaire et pas un Agent de Police Judiciaire.
Seul le premier peut faire une telle demande. L’Officier de Police Judiciaire
doit posséder une carte d’OPJ attestant sa qualité.
3. Vérifier que conformément à
l’article 77-1-1 du Code de Procédure Pénale, l’OPJ possède une preuve de
l’autorisation donnée par le Procureur de la République à la demande de
documents.
4. Légalement, les seuls dossiers
sociaux sont nommés « dossier de la personne ». Si des éléments
administratifs de plusieurs personnes sont rassemblés dans un seul et même
dossier, il faudra préparer le dossier avant de le remettre aux autorités
(retrait des documents concernant les personnes « non incriminées »
et éliminer, à l’aide de blanc par exemple les passages des rapports et autres
écrits ne concernant pas l’enquête.
5. Au niveau du service employeur,
la connaissance des textes de loi et de la jurisprudence est nécessaire pour
que les responsables du service puissent soutenir le travailleur social face à
la justice et pour mieux assumer leur propre responsabilité en cas de
communication. Ce soutien va en effet attester de l’engagement du service et de
la Direction envers les travailleurs sociaux.
6. Lors d’une éventuelle saisie,
il est conseillé la présence du responsable du service aux côtés de l’OPJ.
7. Un document cosigné indiquant
nommément la personne et le grade ou la responsabilité de celui qui remet les
éléments et de celui qui les reçoit. En cas de poursuite ultérieure d’un usager
pour rupture de secret professionnel, cela permettra de déterminer les niveaux
de responsabilité à partir de la qualité des éléments transmis et du niveau hiérarchique
qui valide et effectue la transmission.
8. En cas de « motif
légitime » ne pas hésiter à rappeler à l’OPJ l’instruction
générale C105 du Code de Procédure Pénale qui lui fait obligation d’en référer
au Parquet s’il y a un problème de secret professionnel et que l’on souhaite
alors invoquer le fameux « motif légitime ».
Pour FO, l’objectif est clair :
Les travailleurs
sociaux n’ont pas à coopéré avec les forces de l’ordre :
Chacun son
travail : aux policiers de diligenter une enquête, aux travailleurs
sociaux de transmettre les documents.
« Point barre » !